
Trois mois de répétition résumés en 110 minutes. Verdi et sa Traviata au Festival d’Aix en Provence 2011. Un metteur en scène français, un chef français Louis Langrée et son assistant un certain Nicolas Krüger, un orchestre anglais (le London Symphony Orchestra) et un chœur estonien réunis sur la scène du Théâtre de l’Archevêché, un écrin pour l’immense Nathalie Dessay. C’est Philippe Béziat qui se retrouve derrière la caméra pour capter ces quelques instants rarement offerts au grand public, ces moments de travail, de recherche, de doutes, de rires et parfois de souffrances. Ce metteur en scène n’en est pas à son coup d’essai, on lui doit déjà Noces et Pelléas et Mélisande, Le Chant des Aveugles. C’est dire que sa passion pour l’opéra et ses coulisses n’est plus à démontrer.
Loin de Zeffirelli ou de Visconti, Jean-Francois Sivadier a opté pour une mise en scène très simple, sans beaucoup d'artifices et de décors. On suit avec intérêt ses efforts pour pénétrer le personnage de Violetta. Pour la comprendre, pour la faire comprendre. Variations infinies, minuscules parfois autour d'un geste, certains silences analysés jusqu’au bout, les visages, les expressions, les corps scrutés au plus près par une caméra à la fois pudique et insistante. Louis Langrée imprime sa marque de son côté. En immersion totale avec toute la troupe, des techniciens aux musiciens, on voit comment on peut désacraliser une œuvre mythique sans tomber dans la modernisation abusive, et comment Sivadier a cherché à rendre sa Traviata plus proche de nous, d’où le titre de ce documentaire d’exception.
Mais ne nous leurrons pas, tout ce film repose sur les épaules de la formidable Natalie Dessay, sensible, forte et fragile à la fois et qui incarne, sous nos yeux, peu à peu, cette Dame aux Camélias trop souvent réduite à sa plus simple expression. Ici, de répétition en répétition, elle prend de l’épaisseur, de la chair, de la réalité… elle prend vie devant nous. Elle sort peu à peu du cocon des clichés habituels pour devenir une femme réelle entre passion impossible et mort inexorable. Toute cette métamorphose n’a été possible que parce que notre soprano, au-delà de son incontestable talent d’interprète, est avant tout une comédienne de tout premier plan. Ce qu’elle nous démontre pendant tout ce film. Il faut bien sûr citer le ténor américain, Charles Castronovo et le baryton français Ludovic Tézier qui apportent avec force et conviction leurs pierres à l’édifice. On ne verra rien du spectacle abouti. Ce film est là pour donner envie d’aller à l’opéra. Espérons qu’il atteigne son but.
JPL |